Début des années 90's, je reçois pour Baroque Bordello, l'émission que j'anime alors encore seul, sans le compagnonnage de Sébastien Lecabon de Corbehem/Pas-de-Calais , les premiers disques des occitans Massilia Sound System de Marseille & The Fabulous Trobadors de Toulouse qui font des chansons 'modernes", d'aujourd'hui, sur des bases musicales de rap, de reggae, ragamuffin', avec du flot chanté dans l'air du temps puis surtout les textes sont en occitan, dans leur idiome natal et j'adore la démarche, il revendique leurs patois & leur origine provincial contre le centralisme parisien, j'ai toujours était fier de mes origines ch'ti et j'aime ce vieux patois du Nord/Pas-de-Calais que mon père Arthur ne renonçait pas à encore parfois utiliser, je m'interroge si des démarches similaires existent dans ma région et je ne trouve vraiment rien sinon de vieux clichés populistes, chargés de repli identitaire ; j'ai alors des échanges réguliers par courriers postaux avec Claude Sicre des Fabulous Trobadors qui m'écrit "cherche, cherche, tu finiras par trouver et si ce n'est pas le cas alors fais le toi même, invente par toi-même ce qui n'est pas", mais pour cela il me faudrait des bases autrement moins timides que celles que mon paternel m'a déjà transmis sans le savoir, c'est ainsi que dans la première moitié des 90's j'enregistre un court texte de liaison en chti'mi à la demande du Massilia Sound System pour qu'il y figure entre deux titres de leur album Commando Fada mais de là à faire plus je ne m'en sens pas capable sans me décourager je continue ma quête et il arrive un truc incroyable, magique ?...
...en 1995 et je reprend, ici, un texte que j'ai rédigé 'Ducasse pour Ivar Ch'Vavar' paru au cours de l'hiver 2004-2005 dans le n°78-79 de la revue-livre Plein Chant au titre Ivar Ch'Vavar - Un "Horrible Travailleur"* célébré par ses amis & complices.
Ducasse** pour Ivar Ch'Vavar
Novembre 95, braderie de Sin-le-Noble, je démuche au fond d'une vieille malle à mitan musie : trois semblants de livres / revue, édités des années plus tôt... Je les sauve d'une mort moite et certaine. - Cadavre grand m'a raconté et deux exemplaires du premier numéro de L'Invincion del Picardie... Une "rencontre" un choc ! Voilà la littérature, la langue de mon pays (c'est ce Nord que d'infâmes aménageurs voudraient rebaptiser "Les Hauts de France !). Oui, désespérément je cherchais cette langue, loin du "patois"... Alors, écrire à l'inconnu, un n om dans la revue : Ivar Ch'Vavar. Lui dire le choc, combien j'étais en quête de cette langue et de son expression vraie, langue de ma terre, la véritable langue et pas ce "français déformé", patois piteux... Ivar Ch'Vavar existe en déit de son nom improbable et me répond. Premier courrier bienveillant, sans promesse... pourtant une vraie lettre, de celles qui encouragent à travailler - chercher, lire, apprendre, écrire, vivre. Une correspondance commence - Parallèlement, nous deux David (mon copain guitariste) on invente notre blues... en picard. Fideline Hayure (re)prend corps dans mon imaginaire. Sur l'épaule, Clokète Picardia : tatouage invisible, et surtout au creux de ma gorge un souffle : del bleuse : chansons chiffonnés, tordues, boueuses, venteuses, sur musiques pauvres mais riche du déploiement en étendard de la tripe picarde !
Oui, une rencontre... Ivar le Crabe, barde picard, son invention et sa mémoire. Mémoire sorcière (Merlin pas loin). Il nous commande d'apprendre / reprendre : se réapproprier un nséquo (Excalibur) en nous mettant dans les mains la "pauvre" matière picarde, pour que nous en extrayons des merveilles. - Depuis je sais qu'ici, ou ailleurs, je finirai pourrissant en terre picarde. Je ne me "déparlerai" plus.
Christian-Edziré Déquesnes.
Depuis que de chemins parcourus... Ivar Ch'Vavar est mon Grand Camarade, plus qu'un ami, nous nous écrivons, téléphonons, retrouvons le plus régulièrement possible, la route, cheule coechie, entre Douai & chez lui à Amiens, je la connais par coeur ; je lui dois aussi ce Christian-Edziré quand je signe mes textes, poèmes et autres... aussi bien en picard qu'en français ; je ne sais plus comment il a découvert que je répond à l'état civil de Douai au nominatif de Christian Jacques Désiré Déquesnes, le Jacques je n'y tiens pas, Désiré par contre choix de toute dernière minute et à la surprise générale de mon père Arthur, quand cela a été su d'Ivar Ch'Vavar il m'a plus recommandé de la sorte "Min pore fiu, t'é doet, à cose d'énne paréhl istoére, parafé eské t'é publie Christian-Edziré..."...
à suivre...
*clin d'oeil à Arthur Rimbaud qui se définissait ainsi.
**En picard ducasse signifie dédicace et c'est aussi le mot utilisé dans le Nord de la France, en Belgique francophone aussi pour nommer les fêtes foraines qui étaient jadis toujours rattachées à la célébration d'un saint ou d'une figure protectrice de la ville ou du quartier, à Douai le protecteur est le géant Gayant, le plus haut et majestueux des Flandres, Gayant en picard signifie Géant mais on y entend Gagnant ; enfin en 1956, je suis né un jour de ducasse de Gayant à Douai, ville, je le rappelle, ou, en 1871, Arthur Rimbaud y a résidé par deux fois.
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